adieux aux bravoux

En 2006, je rends visite à mon grand-père qui vit seul dans sa maison pour la première fois de sa vie. Ma grand-mère est atteinte de la maladie d’Alzheimer et son état est tel qu’elle est placée en établissement de soins.

C’est la fin d’une histoire de famille, comme tant d’autres, dont la ferme a été le centre le plus vivant : saisonniers, ouvriers agricoles, enfants, petit-enfants, amis, vaches, cochons, poules, grives et chiens se sont croisés, ont vécu ensemble et ont quitté les lieux. Au cours de ma visite, j’enregistre le témoignage de mon grand-père sur son activité agricole, des années 1947 à 1996, date à laquelle il prend sa retraite. La ferme est située dans un quartier appelé les Bravoux. Elle est entourée de lotissements. L’histoire de la ferme, de l’agriculture de cette petite plaine et des changements font l’objet du film Des jeux sans pain.

Ce travail explore les moyens de capter l’entre-deux d’une histoire prise dans les rets de l’Histoire. Dès 1986, l’entrée de l’Espagne dans la CEE, va porter un coup dur à l’agriculture en Provence. Mon grand-père lors de l’enregistrement, confie son regret d’avoir été paysan, il aurait mieux fait d’être expéditeur, dit-il. Les objets et les lieux sont des témoins en attente de leur mise au rebut ou de leur dispersion. Cette ferme comme nombre d’entre elles, n’aura pas de successeurs. En 2025, le promoteur qui l’a achetée a refait les toitures, rénové les façades et vend 10 lots qu’il appelle des lofts.

Les images ci-dessous font partie d’un corpus de documents (film, son, objets).

Le premier tracteur

Paul est le premier paysan de la petite ville où se trouve la ferme à acheter un tracteur. Il en est fier et il l’utilise pour ses champs. Il travaille aussi à façon pour les autres paysans.

Le deuxième tracteur

Il achète quelques années plus tard un deuxième tracteur plus puissant, un Massey Ferguson qui est le must pour un paysan, le plan Marshall étant un moyen de promouvoir les outils agricoles.

La sulfateuse

La ferme est également le lieu de la transition agricole des 30 glorieuses et Paul se procure les outils nécessaires à l’augmentation de la production, dont cette sulfateuse qui est bleue du sulfate de cuivre.

L’atelier

La modernité auquel Paul prêt une grande attention, comme un passage obligé vers l’accession à un niveau de vie meilleur, est italien et communiste. Il est également un croyant qui va à la messe tous les dimanches.

Saint Gens

Face à la Vierge au-dessus des clés bien rangées, Paul a accroché un tableau du saint local : Saint Gens, un pieu garçon bouvier du XIIe siècle qui s’insurge contre les pratiques païennes des villageois. Chassé du village, il vit du travail de la terre, apprivoise et attelle un loup qui a dévoré une de ses vaches. Il est dit qu’il a fait surgir de son doigt une source et fait pleuvoir sur son village.

La réserve

Des fruits cultivés par Paul, Paulette en fait des conserves pour la maisonnée. Le travail agricole, plus particulièrement entre 1970 et 1995, se resserre sur l’arboriculture dont la demande est croissante (cerises, abricots, poires, pêches, prunes). La culture des légumes est abandonnée.